dimanche 13 décembre 2009

Pour en revenir sur la loi sur l'euthanasie...

Désolée pour ma réactivité à peu près inexistante ces derniers temps: c'est fou ce qu'on trouve de choses à faire quand il s'agit de remettre autre chose à plus tard...Après cette introduction philosophique profonde (que je vous laisse méditer), je voulais rapporter deux réactions intéressantes suite au rejet du projet de loi sur l'euthanasie par les députés (326 voix contre 202), projet déposé par le socialiste Manuel Valls voulant instaurer une "assistance médicale pour mourir dans la dignité".
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(en passant je vous renvoie sur ce post qui me parle pas mal, et je glisse cette petite réflexion qu'un jour je développerai si j'en ai le temps et le courage: mourir dans la dignité, on l'entend très souvent cette expression, mais en quoi une mort est plus ou moins digne qu'une autre??)
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Jean Leonetti, auteur de la loi sur la fin de vie de 2005: "L'euthanasie n'est pas un acte médical. Le droit à la mort n'est pas un acte médical."
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Dans le quotidien Le Figaro, Luc Ferry revient sur la proposition de loi défendue par Manuel Valls défendant le droit de mourir "dans la dignité". Il s'indigne d'une telle demande qui signifierait que la dignité humaine serait directement liée à l'autonomie.

Pour Luc Ferry, il est inacceptable d'établir une équivalence entre "dépendance" et "indignité" : "l'idée même qu'un être humain puisse perdre sa valeur parce qu'il serait faible, malade ou vieux et, par la même, dans une situation de perte d'autonomie, me paraît à vrai dire intolérable sur le plan éthique". Et de plaider "pour un droit absolu des êtres humains à l'hétéronomie, à la dépendance et à la faiblesse même les plus extrêmes, d'en appeler ici plus que jamais à la sympathie, pour ne pas dire à l'amour plutôt qu'à des discours visant à faire comprendre à autrui qu'il vaudrait mieux faire place nette et cesser d'importuner le monde".

Luc Ferry s'interroge : "qui peut prétendre [...] qu'à un signal de détresse absolue, il n'est aucune autre réponse que la mort ?".

Pour lui, une demande de mort n'est jamais libre mais est commandée par une détresse telle que la liberté s'en trouve exclue. Pour lui, mourir dans ce qu'on nomme la "dignité" est en fait synonyme de mourir dans l'exclusion.

Selon les partisans de l'euthanasie, la dignité humaine ne se réduirait qu'à une balance permettant de mesurer les plaisirs et les peines. Et Luc Ferry de rappeler ce que disait Pascal : il y a en l'homme quelque chose qui passe infiniment l'homme, une transcendance qui force le respect et qui mérite qu'on se batte pour elle, même dans la souffrance.

Luc Ferry conclut : "que l'on s'oppose à l'acharnement thérapeutique me semble au plus haut point justifié. Reste qu'entre un prétendu geste humanitaire consistant à tuer, fût-ce par charité, et un autre visant à entourer d'amour, on me permettra de choisir toujours le second".

4 commentaires:

jacqueline salenson a dit…

Luc Ferry fait son choix et vous aussi, cela est votre choix, respectable...
Pourquoi mon choix, différent, serait-il interdit par la loi, dans une république laïque, qui se doit de respecter toutes les consciences, qu'elles soient traditionnelles catholiques (avec ou sans Dieu...Luc Ferry se dit agnostique mais il garde des valeurs catholiques, non chrétiennes d'ailleurs...c'est sa philosophie...) ou autres:
Toutes les philosophies de vie doivent être acceptées, pourvu qu'elles ne portent pas tort aux autres.Tous les choix, le vôtre et le mien, sont respectables.
Pourquoi m'imposer votre philosophie? ceci est contraire aux lois de la République.
Il serait temps de reconnaître que toutes les souffrances ne peuvent pas être soulagées, et accepter que la souffrance ne soit pas vécue par tous comme nécessaire dans l'agonie.

jacqueline salenson a dit…

Pour certains, la souffrance est rédemptrice et leur permettra de gagner le paradis, donc ils souffrent avec plaisir, et c'est leur droit. Pour d'autres, qui ne croient pas à cela, la souffrance est seulement quelque chose d'atroce, on la supporte lorsqu'on sait qu'elle est provisoire, en vue d'une guérison, on la supporte beaucoup moins quand on sait qu'il s'agit de la fin de sa vie, et que nulle guérison, nulle amélioration ne s'en suivra.
Personne n'a jamais dit que l'on devait perdre sa valeur humaine parce que malade ou handicapé, ou dépendant, personne n'a jamais dit que le "droit à la mort" devait être médical... le droit à la mort est absurde, nous allons tous mourir, droit ou pas...
Ce qui est obligatoirement médical c'est l'accompagnement des souffrances, leur abolition si possible (mais ce n'est pas toujours possible), y compris par la mort.
D'ailleurs la loi Leonetti autorise déjà l'euthanasie indirecte, par la sédation terminale, seule différence avec d'autres formes d'euthanasie: c'est lent et on ne sait pas quand la mort arrivera exactement, mais on est quand même sûr qu'elle va arriver très vite...ceux qui disent qu'ils ne savent pas sont des hypocrites, c'est la loi du double effet, et son seul but est de soulager les souffrances à la demande de l'intéressé...but noble et compassionnel.
On ne "tue" pas quelqu'un qui va mourir, on l'accompagne et on l'aide à ne pas souffrir dans ce passage, y compris par la sédation terminale, y compris par une euthanasie, si elle est réclamée: s'il veut continuer à survivre le plus longtemps possible, pourquoi pas, mais s'il veut qu'on arrête ses souffrances, je ne vois pas en quoi ce choix est dérangeant, sauf pour une idéologie saint-augustinienne... les catholiques de Golias nous expliquent que le Christ nous a donné la liberté, et le choix de supporter ou non les souffrances, donc que l'on peut décider de sa fin de vie et qu'on peut aider à mourir.

jacqueline salenson a dit…

Une loi qui permettrait l'euthanasie dans certains cas (dans le but de soulager de souffrances inguérissables) n'obligerait en rien celui qui n'en veut pas, et n'obligerait pas non plus le médecin opposé par ses convictions personnelles à la pratiquer:
Comme le droit à l'avortement, qui n'est évidemment pas une obligation, qui est encadré par la loi, et où le médecin a le droit de réserve, une loi permettant l'euthanasie demandée par l'intéressé, de façon réitérée, dans des souffrances que nul ne peut soulager, respecterait le droit de réserve du médecin,auquel on demanderait seulement d'adresser le mourant à un autre médecin.
On sait que maintenant, tous les jours, on pratique des euthanasies dans les hôpitaux, sans cadre, sans contrôle, sans que la volonté de la personne soit respectée.
C'est cela que nous ne voulons plus.
Et nous savons aussi qu'on préfère laisser les vieux et les malades se pendre ou se suicider dans des conditions aussi horribles, plutôt que de les aider à mourir en douceur, lorsqu'on ne peut plus les guérir, ni améliorer leur état.
Cela est indigne de notre société, qui se dit avancée... progrès techniques, certes, mais où sont les progrès humains?
Où est l'amour des autres et la compassion?
Oui l'euthanasie est un geste d'amour, envers celui qui la réclame ardemment, qui souffre sans possibilité d'entrevoir une amélioration de son état ... et qui va mourir, de toutes façons ...

jacqueline salenson a dit…

Moi, je demande que ma volonté soit respectée, et elle est de m'aider à mourir dès lors que, mon cerveau atteint par la maladie, je ne suis plus moi-même, de façon irréversible, dès lors que mes handicaps de vieille femme nécessiteront des soins permanents.
Je ne veux pas infliger ma dégénérescence physique ou mentale à la société, ni à mes enfants et mes petits-enfants, je ne veux pas que, la société ou ma famille (plus souvent...) soit obligée de dépenser des fortunes pour me maintenir en vie contre mon gré.
J'accepte la mort, j'ai eu une vie intéressante, et il faut bien mourir un jour. Je n'ai pas peur de la mort. La mort n'est rien, avant on est en vie, après, on n'est plus là.
Quant au terme de dignité, certains, comme St Augustin, pensent que notre dignité nous est intrinsèque, de par notre humanité, c'est leur droit (je me demande quand même pourquoi on parle de "conserver la dignité", si elle va de soi?...voir la déclaration des droits de l'Homme et le code de déontologie médicale français), mais pour moi, ma dignité est le regard que je pose sur moi-même et non pas le reflet du regard des autres.
Comme ma grand mère, je ne me supporterai pas grabataire, mourante, pendant 5 mois...je pense que c'était une souffrance infligée par les autres, des médecins, des soignants, de façon sadique, au dépens de ma grand mère, qui réclamait sans cesse la piqûre qu'elle faisait faire à ses chats et chiens, lorsqu'ils souffraient de l'agonie, et qui n'a jamais été entendue.